Le Forez? Mais qu'est ce que c'est? Quel rapport avec Lyon et avec le Vieux Lyon et la cathédrale? Découvrez la surprenante histoire qui lie Lyon et le Forez!
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C’est quoi le Forez?
En réalité, notre question de départ est fausse. Nous devrions plutôt demander: c’est où le Forez?
Ah et avant d’aller plus loin, veuillez prononcer « forêt » et surtout, par pitié, ne prononcez pas le « z »!
Alors, vous l’aurez compris en regardant la carte ci-contre, le Forez n’est pas à Lyon. Le Forez correspond à une large majorité de l’Ouest du département de la Loire. Car oui messieurs, dames, n’en déplaisent à certains, Lyon a appartenu un temps à la Loire (le département 42 hein!).
Mais alors c’est quoi cette histoire? Pourquoi? Comment? Et à quel moment Lyon s’est séparé du Forez? On vous raconte tout! Enfin tout ce qu’on sait!
Laissez vous conter l’histoire de Lyon et du Forez
976 – La naissance de la maison comtale de Lyon et de Forez
Tout commence à la fin du X° siècle. C’est alors un dénommé Amblard qui est archevêque de Lyon (pour rappel, l’archevêque est l’homme à la tête de la cathédrale et de l’Eglise de Lyon en général). A ce moment-là, Lyon fait partie du royaume de Bourgogne. La ville connaît alors un double pouvoir:
- le pouvoir religieux de l’archevêque
- le pouvoir laïc du comte aux ordres du roi de Bourgogne
Ce dernier se nomme Conrad. Il vient dans notre ville en 976 (bien que la date de 973 soit aussi avancée par certaines sources). Et il en profite pour organiser un nouvel équilibre politique:
- d’une part, il s’attèle à renforcer les liens de son royaume avec les grandes abbayes
- d’autre part, il négocie avec les élites lyonnaises deux nominations: celle de Burchard (son fils) en tant qu’archevêque à la mort d’Amblard et celle d’Artaud en tant que comte.
Artaud est un artistocrate locale que Conrad et l’archevêque apprécient particulièrement. C’est la naissance de la maison des Comtes de Lyon et de Forez.
Début des problèmes
Problème 1: la nomination de Burchard
Alors le népotisme (à savoir favoriser sa famille et ses amis), c’est bien, mais c’est aussi, dans notre cas, le début des problèmes. Burchard devient en 979 archevêque comme c’était prévu. Mais c’est un personnage considérable à l’échelle européenne par sa naissance et ses réseaux. Sa nomination donne donc à Lyon, une place qui dépasse nettement celle qu’elle avait jusque là et un rang proche de celui qu’elle a pu occuper au temps des grands évêques carolingiens. Elle constitue également une réaffirmation de l’ancrage de Lyon et de ses abbayes dans les réseaux bourguignons avec là aussi une influence qui dépasse nettement le Lyonnais.
Problème 2: les ambitions de Burchard
D’ailleurs, on sait que les relations entre Artaud et l’archevêque Burchard se dégradent rapidement en raison de l’influence de l’archevêque sur Lyon. De plus, même si peu de sources permettent de le supposer, il est possible que le comte Artaud est participé à une révolte contre le successeur du roi Conrad en 995.
De plus, Burchard ne tarde pas à tenter de s’imposer. En effet, il fait émettre par l’atelier monétaire de Lyon des monnaies au double nom, royal et épiscopal, et affirme être seigneur temporel au-dessus du comte.
Pire encore: en 998, Burchard fait du Forez un comté distinct de celui de Lyon, signifiant ainsi qu’il détient l’autorité comtale en Lyonnais. Il enflamme ainsi le premier conflit entre Forez et Lyonnais. Mais la mort du comte Artaud en 1000 et les dissensions au sein de sa famille assurent la victoire à l’évêque et la marginalisation relative du comte repoussé vers le Forez. Cette partition géographique n’est d’ailleurs remise en cause ni par la mort de Burchard en 1031 ni par le rattachement du royaume de Bourgogne à l’Empire.
Problème 3: Lyon entre la France et le Saint-Empire-Romain-Germanique
Ah celle là vous ne l’aviez peut être pas vu venir! Mais en effet, Lyon fut un temps rattaché au Saint Empire.
En 1032, à la mort du dernier roi de Bourgogne, la Bourgogne et donc Lyon dans son sillage sont léguées au Saint Empire Romain Germanique. Le royaume de France conteste le legs. Les deux puissances s’entendent pour définir une frontière qui sera la Saône, la ville se retrouve ainsi partagée. Dès lors, Lyon est tiraillée par les luttes entre :
- le comte de Forez, vassal du roi de France
- l’archevêque, lié au Saint Empire.
En 1036, pour des raisons mal connues, l’archevêque Burchard III est capturé et maintenu en prison par Conrad II (empereur du Saint-Empire). Le comte de Forez Géraud tente alors en vain d’imposer son fils en tant qu’archevêque. Libéré seulement en 1039, Burchard ne retrouve jamais son siège, et c’est alors Halinard, abbé de Saint-Bénigne de Dijon, allié de l’empereur qui tire les ficelles à Lyon. Il devient archevêque en 1046. Six ans plus tard, il choisit le prévôt Humbert pour lui succéder.
On continue d’augmenter les tensions
La situation comme vous le constatez n’était déjà pas brillante, mais les tensions augmentent encore en 1079 lorsque le pape Grégoire VII a une idée de génie, enfin façon de parler. En effet, à cette date, l’archevêque de Lyon – Gébuin – est en voyage à Rome. Et il réussit à obtenir du pape le titre de Primat des Gaules! Rien que çà! L’archevêque de Lyon obtient ainsi le privilège de primatie sur les 4 provinces de la Gaule lyonnaise, soit 29 diocèses. Son pouvoir augmente alors considérablement!
Pauvre comte de Forez et de Lyonnais! Cela n’a pas dû lui plaire! Mais pour le pape, cette nomination est un formidable outil de politique et lui permet d’augmenter son autorité sur l’Eglise de Lyon et dans la lutte contre le roi de France, Philippe Ier, hostile à la réforme.
En 1095, le pape Urbain II en remet une couche. Voyez vous, lors du concile de Clermont, il confirme le nouvel archevêque de Lyon, Hugues de Die, comme primat des Gaules. Pire encore, il stipule que les archevêques de Sens, Tours et Rouen doivent lui professer obéissance!
Mais qu’est ce que cela donne à Lyon? Et bien, en ce XI° siècle, la ville est réduite sur la rive de la Saône, au pied de la colline de Fourvière (le Vieux Lyon). Les zones habitées se serrent autour de la cathédrale et de son quartier fortifié, nommé « le Grand Cloître » au sein duquel l’archevêque et ses chanoines résident. L’enceinte est d’ailleurs particulièrement visible sur l’extrait du plan scénographique ci-contre.
Retournement de situation
Nous arrivons au début du XII° siècle. Nous en sommes donc à près de 200 ans de conflits. La situation est alors quelque peu différente. En effet, l’Empire s’affaiblit et le jeu des relations internationales a changé. En effet, le roi de France – Louis VI – et le pape – Calixte II – ne sont plus ennemis. Au contraire, ils sont alliés dans leur conflit contre l’empereur – Henri V -. Cela permet donc au roi de France de s’immiscer dans les affaires lyonnaises. Ainsi, dans les années 1120, le roi de France est seul arbitre d’un conflit entre les comtes de Forez et les sires de Beaujeu à propos de l’abbaye de Savigny. La dynastie des comtes de Forez développe ses liens avec la France. Le comte Guy I confie même son fils au roi Louis VII.
Mais l’archevêque de Lyon et l’Empereur ne l’entendaient pas de cette oreille!
La Bulle d’Or de 1157
Lors de la diète impériale tenue à Besançon en 1157, l’archevêque de Lyon – Héracle de Montboissier – obtient une Bulle d’Or qui lui confirme les regalia c’est-à-dire l’exercice des droits royaux sur Lyon. Les droits séculaires (péages, chasse, monnaie, juridiction, etc.) qui appartenaient par moitié au comte ne sont donc plus reconnus. Par cette bulle donc, l’empereur Barberousse rappelle que Lyon dépend des empereurs. Il manifeste ainsi son pouvoir et conforte la fidélité de l’archevêque.
En renforçant la position de l’archevêque face au comte, privé désormais de toute autorité publique éminente, l’empereur entraîne la réactivation des conflits avec le comte de Forez, Guy II.
La défaite de 1158
C’est l’archevêque qui relance les hostilités. Mais malgré le soutien des pro-impériaux (l’antipape, le comte de Mâcon, etc.) et la neutralité de Louis VII, l’archevêque subit une défaite cuisante : ses troupes sont anéanties par les comtes de Forez et d’Albon au pied du château d’Yzeron en 1158. Et il doit fuir Lyon qui tombe dans les mains du comte Guy II de Forez.
Dans la foulée, Guy II s’empare de la ville en 1162. Le cloître et la cathédrale souffrirent particulièrement de cette attaque.
En 1163, le nouvel archevêque – Dreux de Beauvoir – parvient à rentrer dans Lyon, mais homme de l’empereur, il doit finalement abandonner sa charge à Guichard de Pontigny, élu en 1165 par la minorité pro-pontificale du chapitre et soutenu par le pape Alexandre III et Louis VII.
La Permutatio
A ce moment là, vous le constatez le comte de Forez est donc en position de force. Pourtant cela ne va pas durer. L’archevêque Guichard de Pontigny entreprend, en effet, de restaurer le pouvoir épiscopal. Dans un premier temps, il se montre très conciliant ce qui lui permet de ramener la paix : un accord conclu en 1167 conduit même à une coseigneurie entre l’archevêque et le comte. Les péages, qu’ils soient terrestres ou fluviaux, étaient ainsi levés en commun. Mais très vite ce mode de gouvernance s’avère difficile à maintenir.
Dans un second temps, Guichard de Pontigny se débarrasse des prétentions du comte sur Lyon en négociant avec lui la Permutatio en 1173. L’Église de Lyon devient donc dès lors la seule détentrice du pouvoir sur la ville. Enfin jusqu’à Renaud de Forez, mais çà c’est une autre histoire…
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