|ZOOM SUR Les Tables Claudiennes|

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Les Tables Claudiennes... une appellation bien mystérieuses pour deux plaques de pierre. ZOOM SUR ce vestige unique de Lugdunum!

Menez l’enquête avec les Tables Claudiennes au coeur de Lugdunum en famille, entre ami.e.s pour un EVJF/EVG ou entre collègues pour un team building au cours de notre game of code En Quête de Lugdunum.

Ce que sont les Tables Claudiennes

On trouve deux façons de nommer cette pierre: au singulier ou au pluriel. La table claudienne ou les tables claudiennes. En soit peu importe car nous parlons bien du même objet. A savoir deux plaques qui semblent n’en avoir formé qu’une à l’origine. Et qui constitue aujourd’hui un témoignage unique quant à l’histoire des Gaules et de Lyon antique: Lugdunum!

Description

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Débutons par un côté très pratico-pratique: la description de cet ensemble:

  • Matière: bronze (fonte à la cire perdue)
  • Largeur totale: 1,93 mètre
  • Hauteur: 1,39 mètre
  • Epaisseur: 0,8 cm
  • Poids: 222,5 kg.
  • Quand: 48 après J.-C.

Rien que par leurs dimensions, les Tables Claudiennes sont déjà impressionnantes. Et pourtant les Tables Claudiennes ne sont que des fragments. Il s’agit ainsi seulement de la partie inférieure.

Ce que racontent les Tables Claudiennes

Mais surtout, c’est le texte inscrit dans le bronze qui est d’une importance cruciale. En effet, nous disposons grâce aux Tables Claudiennes, d’un témoignage inégalable concernant les Gaules. 

Le texte est gravé sur deux colonnes: une sur chaque fragment. Les colonnes contiennent une quarantaine de lignes (39 lignes à gauche, 40 à droite).

Le texte est rédigé en latin. Et il retranscrit le discours prononcé en l’an 48 de notre ère par l’empereur Claude. Par ce discours prononcé devant le Sénat, à Rome, l’empereur se montre en faveur des notables gaulois. En effet, ces derniers réclamaient depuis longtemps d’obtenir les mêmes droits que les citoyens romains. Et ce afin de pouvoir siéger au Sénat, ou encore d’intégrer la classe politique dirigeante. 

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Qui est l’empereur Claude?

Les Tables Claudiennes portent donc le nom de l’empereur dont elles retranscrivent le discours. Et si cet empereur s’est révélé en faveur des notables lyonnais et gaulois, ce n’est pas le fruit du hasard. En effet, l’empereur Claude est né en 10 avant J.-C dans notre belle cité de Lugdunum. Et tout au long de son règne, il se révèlera en faveur de l’intégration des étrangers. Empereur de 41 à 54  de notre ère, il entretient un rapport privilégié avec la cité qui l’a vu naître. D’ailleurs, Lugdunum, sous son règne, se nomma Colonia Copia Claudia, c’est-à-dire la colonie de Claude

La réussite du discours de l’empereur

La Table Claudienne fut gravée à Lugdunum et exposée dans le Sanctuaire fédéral des Trois Gaules. Elle rappelait ainsi la générosité de l’empereur et témoignait de la reconnaissance des notables. En effet, en dépit de la réticence des sénateurs en place, les notables gaulois ont obtenu gain de cause. Les sénateurs en place craignaient en effet qu’une arrivée massive de notables gaulois accapare les magistratures. Même des personnages comme Sénèque était hostile à leur venue en témoigne ce texte: « il (Claude) avait décidé de voir en toge tous les Grecs, les Gaulois, les Espagnols, les Bretons »

Aujourd’hui, les Tables Claudiennes sont fragmentaires. Il nous manque la partie supérieure. Toutefois, on connaît l’intégralité du discours de l’empereur grâce à l’historien Tacite. En effet, dans ses Annales (XI, 23-24), Tacite a retranscrit le discours. Il explique en outre que les Éduens furent les premiers à obtenir le droit de siéger au sénat de Rome. Cette faveur étant accordée à l’ancienneté de leur alliance et au fait qu’ils étaient le seul peuple gaulois à porter le titre de « frères du peuple romain ». Par la suite, les droits furent élargis aux autres peuples de la Gaule chevelue.

Traduction des Tables Claudiennes

Mais qu’est il écrit précisément. Voici la traduction que nous avons trouvé:

  • Pour la première colonne:

« Certes, je prévois l’objection qui, se présentant à la pensée de tous, me sera la première opposée… Mais ne vous révoltez pas contre la proposition que je fais, et ne la considérez point comme une nouveauté dangereuse. Voyez plutôt combien de changements ont eu lieu dans cette cité. Et combien, dès l’origine, les formes de notre République ont varié. Dans le principe, des rois gouvernent cette ville. Il ne leur est point arrivé cependant de transmettre le pouvoir à des successeurs de leur famille. D’autres sont venus de dehors, quelques-uns furent étrangers. C’est ainsi qu’à Romulus succéda Numa venant du pays des Sabins, notre voisin sans doute, mais alors un étranger pour nous.

Claude cite pour exemple d’anciens grands politiques

De même à Ancus Marcius succéda Tarquin  l’Ancien qui, à cause de la souillure de son sang, se voyait repoussé dans sa patrie de la carrière des honneurs. Après avoir émigré à Rome, il en devint roi. Fils de l’esclave Ocrésia, si nous en croyons nos historiens, Servius Tullius prit place sur le trône entre ce prince et son fils ou son petit-fils, car les auteurs varient sur ce point. Si nous suivons les Toscans, il fut le compagnon de Cælius Vibenna, dont il partagea toujours le sort.

Chassé par les vicissitudes de la fortune avec les restes de l’armée de Cælius, Servius sortit de l’Étrurie et vint occuper le mont Cælius, auquel il donna ce nom en souvenir de son ancien chef. Lui-même changea son nom, car en étrusque, il s’appelait Mastarna et prit le nom que j’ai déjà prononcé, de Servius Tullius. Et il obtint la royauté pour le plus grand bien de la République. Ensuite, les mœurs de Tarquin et de ses fils les ayant rendus odieux à tous, le gouvernement monarchique lassa les esprits, et l’administration de la République passa à des consuls, magistrats annuels. 

Dictature et consuls

Rappellerai-je maintenant la dictature, supérieure en pouvoir à la dignité consulaire, et à laquelle nos ancêtres avaient recours dans les circonstances difficiles qu’amenaient nos troubles civils ou des guerres dangereuses, ou les tribuns plébéiens, institués pour détendre les intérêts du peuple ? Passé des consuls aux décemvirs, le pouvoir, lorsqu’il fut ôté au décemvirat, ne revint il pas aux consuls ? La puissance consulaire ne fut-elle pas ensuite transmise tantôt a six, tantôt à huit tribuns militaires ? Dirai-je les honneurs, non seulement du commandement, mais encore du sacerdoce, communiqués plus tard au peuple ? Si je racontais les guerres entreprises par nos ancêtres et qui nous ont fait ce que nous sommes, je craindrais de paraître trop orgueilleux et de tirer vanité de la gloire de notre empire, étendu jusqu’au-delà de l’océan. Mais je reviendrai de préférence à cette ville… »

  • Pour la deuxième colonne

« Sans doute, par un nouvel usage, le divin Auguste mon grand-oncle et Tibère César, mon oncle, ont voulu que toute la fleur des colonies et des municipes, c’est-à-dire que les hommes les meilleurs et les plus riches fussent admis dans cette assemblée. Mais quoi donc ? Est-ce qu’un sénateur italien n’est pas préférable à un sénateur provincial ? Ce que je pense sur ce point, je le montrerai, si cette partie de ma proposition comme censeur est approuvée. Mais je ne pense pas qu’on doit exclure du Sénat les habitants des provinces, s’ils peuvent lui faire honneur.

L’exemple de la colonie de Vienne

Voici cette très illustre et puissante colonie des Viennois, qui depuis déjà longtemps envoie des sénateurs à cette assemblée. N’est-ce pas de cette colonie qu’est venu, parmi plusieurs, Lucius Vestinus, rare ornement de l’ordre équestre, pour qui j’ai une affection toute particulière et qu’en ce moment je retiens près de moi pour mes propres affaires ? Je vous en prie, honorez ses fils des premières fonctions du sacerdoce, pour qu’ils puissent, avec les années, avancer dans les dignités. Qu’il me soit permis de taire comme infâme le nom de ce voleur que je déteste, de ce prodige en palestrique, qui fit entrer le consulat dans sa maison avant même que sa colonie eut obtenu le droit entier de cité romaine. Je puis en dire autant de son frère, digne de pitié peut-être, mais devenu indigne par ce malheur de pouvoir être un sénateur en état de vous seconder.  Mais il est temps, Tibère César Germanicus, de découvrir aux Pères Conscrits à quoi tend ton discours, car déjà tu es parvenu aux extrêmes limites de la Gaule narbonnaise. 

Tous ces jeunes hommes distingués sur qui je promène mes regards, vous ne regrettez pas davantage de les voir au nombre des sénateurs, que Persicus, homme de race noble et mon ami, ne regrette de lire sur les portraits de ses ancêtres le nom d’Allobrogique ! Si donc vous reconnaissez avec moi qu’il en est ainsi, que vous reste-t-il à désirer encore, si ce n’est que je vous fasse toucher du doigt que le sol lui-même, au-delà des limites de la province Narbonnaise, vous envoie des sénateurs, alors que nous n’avons pas à nous repentir de compter des Lyonnais parmi les membres de notre ordre ?

Rappel du dévouement de la Gaule

C’est avec hésitation, il est vrai, Pères Conscrits, que je suis sorti des limites provinciales qui vous sont connues et familières. Mais il est temps de plaider ouvertement la cause de la Gaule chevelue. Si l’on m’objecte cette guerre qu’elle a soutenue pendant dix ans contre le divin Jules, j’opposerai cent années d’une fidélité inviolable et de dévouement dans un grand nombre de circonstances critiques où nous nous sommes trouvés. Lorsque Drusus, mon père, soumit la Germanie, ils assurèrent sa sécurité en maintenant le pays derrière lui dans une paix profonde. Et cependant, lorsqu’il fut appelé à cette guerre, il était occupé à faire le cens en Gaule, opération nouvelle et hors des habitudes des Gaulois. Nous ne savons que trop combien cette opération est encore difficile pour nous, bien qu’il ne s’agisse de rien autre que d’établir publiquement l’état de nos ressources !… ».

Et les Tables Claudiennes furent découvertes

A présent que nous savons ce que les Tables Claudiennes nous racontent, venons en à sa découverte.

De la Croix-Rousse…

Tout commence en 1524 avec un homme du nom de Roland Gribaud. Roland est marchand drapier et hôtelier. En 1524, il se fait construire une maison sur les pentes de la Croix-Rousse. Le terrain de sa propriété profite d’une vigne, nommée la Vinagère. Elle se trouve au nord de l’actuelle rue Burdeau entre l’église Saint-Polycarpe et la montée Saint-Sébastien. Il fait arracher cette vigne, quatre ans plus tard, en 1528. Et c’est au cours de cet arrachage que les deux fragments de la Table Claudienne sont mis au jour. Aujourd’hui, face à la densité du bâti au chevet de l’église, il est impossible de lancer des fouilles.

Claude de Bellièvre, échevin, amateur d’art antique et collectionneur, est alors informé de cette découverte. Il convainc les autres échevins que la Ville doit acquérir les Tables en mars 1529, pour 58 écus soleil (ou écus d’or) soit presque le double du prix du métal de l’époque. Ainsi, la Table constitue la plus ancienne pièce des collections publiques de la ville. Claude de Bellièvre fait également promettre à Gribaud de l’informer s’il découvrait d’autres fragments et de les réserver à la ville.

On installe alors la Table Claudienne dans l’Hôtel de Ville (enfin pas celui place des Terreaux car l’hôtel de ville est alors situé rue de la Fromagerie). Puis on déplace la Table claudienne entre 1605 et 1657 à l’Hôtel de la Couronne, rue de la Poulaillerie, actuel musée de l’Imprimerie. Elle opère ensuite un retour à l’Hôtel de Ville de 1657 à 1804, place des Terreaux cette fois-ci.

La rue des tables claudiennes

En souvenir de la découverte sur les pentes de la Croix-Rousse, l’une des rues a d’ailleurs été baptisée: rue des Tables Claudiennes. Cette rue surplombe d’ailleurs l’un des édifices majeurs de Lugdunum sur la Croix-Rousse: l’amphithéâtre des 3 Gaules.

… au musée Lugdunum

Pour le bimillénaire de la fondation de la cité, célébré en 1958, la Table Claudienne est présentée au Musée des beaux-arts. Puis elle rejoint le dépôt provisoire qui précède la construction du Musée gallo-romain de Fourvière – actuel musée Lugdunum – en 1974. 

Aujourd’hui, les deux fragments de la Table Claudienne sont donc conservés et visibles au cœur du musée Lugdunum sur la colline de Fourvière. Mais des copies sont également visibles dans Lyon comme dans la cour du Musée de l’Imprimerie.

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Les Tables Claudiennes au Musée Lugdunum
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Les Tables Claudiennes au Musée de l'Imprimerie

Enquêtez au cœur de Lugdunum

Cette présentation vous a plu? Envie de le découvrir en vrai? Alors en famille, en team building, ou pour un EVJF/EVG, venez participez à game of code « En quête de Lugdunum »! Arpentez les vestiges et aiguisez vos compétences d’archéologue pour décrypter l’âme de Lyon antique!

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